Ce matin, c'est la brise matinale qui te réveille. Déjà fraîche en cet automne presque achevé, elle s'infiltre par les nombreuses brèches dans les murs qui t'entourent. Cependant, ne serait-ce pas la paille qui te pique qui t'as forcé à te lever si promptement ? N'est-ce pas parce que ton pelage était couvert de brindilles que tu t'es secouée comme si tu avais des araignées qui te grimpaient dessus ? Mais déjà, où es-tu ? Ne reconnais-tu pas la grange dans laquelle tu t'endors chaque jour, ou est-ce seulement la fatigue qui te joue des tours ? Encore une fois, ces rêves d'une place inconnue où une multitude de chats t'accueillent humblement. Et encore une fois, ce chat qui te sourit, qui se frotte à toi. Son pelage roux qui charme plus d'une femelle qui s'entremêle avec le tien. Pourquoi encore ?


L'odeur enivrante du petit-déjeuner de tes maîtres se fit sentir, signe que c'était l'heure pour toi. Trois fois par quart de lune, tu y allais. Tu te promenais comme une vagabonde, ton pelage recouvert d'une bonne couche de boue pour qu'on ne t'identifie pas. Ah, cette fameuse forêt. L'endroit de tes éphémères utopies, ce petit coin d'Éden. Doucement, tu te dégages de ton nid improvisé, accrochant par faute d'innatention ta sœur qui poussa un grondement d'indignation. C'était le parfait exemple d'une parresseuse bien gradée. Tu sautes les marches qui mennent au premier étage de la grange, d'où sortent les henissements des chevaux. Sans leur prêter attention, tu te faufiles dans un trou près de la porte et te glisse dehors.

Heureusement pour toi, il n'y a aucun vent ce matin. Rapidement, tu repère une flaque de boue et t'y roule bien malgré toi. Cette substance infecte nuisait à tes déplacements, mais était pourtant nécessaire. Tu trottines d'un pas assuré vers la clotûre que tu traverses sans efforts et plonge dans la forêt. Plusieurs effluves agressent ton nez lorsque tu reconnais la lande. Tu humes bien l'air pour être sûre de ne pas te faire repérer par une patrouille du Clan du Vent et t'élance d'une démarche très peu sûre pour traverser. Tu préfèrais de loin les territoires humides du Clan de la Rivière, que tu ne tarderas pas à rejoindre. Hâtivement, tu inspectes les environs et traverse la frontière, inquiète d'arriver en retard à ton rendez-vous qui n'en était pas vraiment un.


Tu ne relaxes vraiment qu'arrivée à ta cachette habituelle. Derrière les roseaux en bordure de la rivière, tu te camoufles comme un lion dans la savane. Enfin, tu l'aperçois. Celui qui fait battre ton cœur à tout rompre, celui à qui tu rêves. Le beau matou imposant est là, tout près. Il ne se manque pas, avec une telle fourrure. Tu observes ses traits sans te lasser ; cette puissante mâchoire  aux contours carrés, ces magnifiques yeux émeraudes et son petit museau qui lui donne une touche de séduisance. Il semble pensif, ou plutôt évasif. Contrairement à son habitude, il laissait carrément son ombre planer dans l'eau, ce qui faisait fuir les pauvres bestioles. Alors qu'il s'apprêtait à renoncer, un poisson sortit de l'eau et il ne mit qu'une fraction de seconde pour planter ses griffes dans la chair de l'animal et le sortir hors de l'eau pour l'achever. Persistait encore cette expression de dégoût. Il semblait avoir la tête ailleurs, lorsqu'il huma brusquement l'air. Il ne prît même pas la peine de réagir.

« Qui que tu sois, montre-toi, » murmura-t-il d'une voix douce.

Tu jurais entre tes dents alors que ton cœur battait entre tes entrailles. Si tu t'enfuisait, il risquait de partir à ta poursuite. Et là, il pourrait te prendre pour une voleuse et t'attaquer. Tes maîtres ne te laisseraient plus sortir jusqu'à ce qu tu sois complètement guérrie. Tant de jours, voir tant de lunes loin de lui ... Tu frissonnais. Contre toute attente, tu sortis de ta cachette, la tête haute et les yeux brillants. À croire que tu y vivais depuis toujours. Tes pattes très peu palmées ressemblaient aux siennes, tes yeux plus brillants aussi.

«  Avant que tu ne dises quelque commentaire, je ne suis pas ici pour voler quoi que ce soit », dis-tu d'une voix forte, pour te faire entendre malgré les tumultes de la rivière.

Enfin, rien d'autre que son cœur, n'est-ce pas ? Tu t'assied posément, craignant de faire un mouvement trop brusque à ses yeux. Qui sait si ce n'était pas l'un de ces chats bipolaires ?

Enfin, cette chatte qui suivait tes mouvements sortit de sa cachette avec regrets. Mutinerie du Clown ne broncha pas, il la contemplait. Elle avait l'air agile, grisounette et mince. Avant qu'il ne pût dire quoi que ce soit, la minette prit abruptement la parole.

« Avant que tu ne dises quelque commentaires, je ne suis pas ici pour voler quoi que ce soit. dit l'inconnue d'une voix forte et assurée.

Mutinerie du Clown ignora son commentaire. Il n'avait pas l'intention de l'accusée de quoi que ce soit. Les muscles du guerrier se contractèrent tout de même, signe qu'il était prêt à combattre quelconque attaque. Toujours perplexe, il s'approcha tranquillement de la femelle, question de la renifler. Il recula soudainement: domestique. Ce mot défila dans sa tête. Que faisait un chat domestique sur son territoire ? Pourtant, elle avait l'air à son aise, comme si elle était chez elle. Mutinerie du Clown sentait déjà qu'elle l'appréciait, comme de nombreuse innocente chatte. Il ne voulait pourtant pas leur faire de peine, mais il ne pouvait faire semblant d'aimer. Ce n'était pas le fonctionnement de la vie.

« Voilà plusieurs jours que je sens ta présence. Je savais que j'étais beau, mais pas au point de m'épier » dit-t-il, souriant de toute ses dents.

En effet, le guerrier le savait et adorait s'en vanter. Il ne se fâche pratiquement jamais et gardait toujours sa bonne humeur. Reprenant peu à peu son sérieux, il haussa un sourcil. Son odeur l'enivrait. C'était la première chatte domestique qu'il rencontrait portant une odeur si douce. Un picotement parcouru son échine.

Soudainement, il se demanda si elle avait déjà goûter à un poisson. Mutinerie du Clown étira sa tête, question de vérifier que son poisson était toujours là. Pauvre idiot, qui viendrait le prendre à ces heures-ci du matin ? De plus, la température de plus en plus glaçante enlevait le goût aux chasseurs de se promener.

« Tu veux essayer ? » dit le guerrier enjoué en pointant le poisson du bout de la queue. « Au fait, mon nom est Mutinerie du Clown. Et toi ? »

Habituellement, il l'aurait chasser, mais celle-là était différente. Le rouquin voulait la connaître mieux. Il fixa intensément la chatte dans ses yeux, essayent en vain de percer ses pensées. Un vent à glacer le sang les frappa en plein fouet. La fourrure mi-longue du guerrier se balança de tout bord. EN COURS

« Voilà plusieurs jours que je sens ta présence. Je savais que j'étais beau, mais pas au point de m'épier » dit-t-il, souriant de toute ses dents.

Tu reniflais, mal à l'aise. Oui bon, il était beau c'est sûr, quoi de mal à l'avouer ? Ce qui te dérengeait pourtant, c'était la tournure des évènements. S'il n'était là que pour parler de son pelage, tu préferais causer avec des cochons plutôt que de le regarder se venter pendant des heures. Sourcil levé face à elle, un espèce de petit rire de hyène sortit de ta gueule. C'était mignon, dès qu'ils sentent que tu es domestique, ils commençent à te chasser. Drôlement, il n'avait pas l'air de ce genre de chats.


Il étira son cou et porta son regard à sa proie. Il avait l'air d'un pauvre crétin à vérifier s'il était encore là, qui viendrait le chercher par cette température ? Il se retourna vers toi et te souria d'un air innocent mais plutôt craquant.

« Tu veux essayer ? » dit le guerrier enjoué en pointant le poisson du bout de la queue. « Au fait, mon nom est Mutinerie du Clown. Et toi ? »

Tu le regardais étrangement, alors qu'il faisait de même. C'est comme s'il t'obnibulait, cherchais à te comprendre. N'importe qui le ferait, de toute façon. Qui ne se demanderait pas pourquoi un chat domestique traîne sur son territoire? À contre-cœur, tu te décrochas de ses yeux jades.

« Essayer? Merci, je connais le principe. D'ailleurs, je suppose que ton chef ne serait pas content qu'une domestique chasse pour son clan. Ah, et appelle moi Artémis. Ravie de faire ta connaissance. »

Un vent frais te fit frissonner, t'obligeant à te recroqueviller un peu sur toi-même. Si seulement tu pouvais enlever cette maudite boue de sur ton pelage. Mais il risquait de la voir en toi. Voir cette chatte infâme qui demeurait encore dans la forêt, celle a qui tu arracherais bien le cœur.  Dire qu'il le côtoyeait probablement à temps plein. Peut-être même qu'ils se parlaient, voir plus. Tu frissonnais, rageuse. Et puis, elle arriva.

Cette pluie que tu détestes depuis toujours, qui te rapelle tant de mauvais souvenirs. Tu sens ton masque couler, tes yeux briller de toute leur couleur, rappellant les siens. On peut maintenant voir la couleur de ton pelage, en gros plan. Tu vois ce noir, c'est le sien. tu le tiens d'elle, et ce blanc, t'en sais rien. Tu rêves tellement de ta vie si elle ne t'aurait pas abandonnée. Peut-être que tu serais déjà guerrière depuis quelques lunes déjà. Tu regardes le sol à tes pattes, déconfîte. Il fera la liaison, c'est sûr. Et ta sœur, tu dis quoi ? Que c'est une grosse parresseuse, qu'elle préfère faire la grasse matinée plutôt que de chasser pour vous nourrir ? Apprends donc à dire la vérité.

« Essayer? Merci, je connais le principe. D'ailleurs, je suppose que ton chef ne serait pas content qu'une domestique chasse pour son clan. Ah, et appelle moi Artémis. Ravie de faire ta connaissance. »

Mutinerie du Clown lui lança un drôle de regard, presque de travers. Jamais il ne se serait imaginé qu'une domestique aurait pu connaître les clans à ce point. Le guerrier la dévisagea de la tête aux pieds: il aurait tant aimé voir son visage, sa couleur de pelage. Mais son corps était recouvert d'une crasse de boue, sans doute pour camoufler son odeur. Cela avait marché, il ne s'aurait pas douté que ce serait une chatte domestique si il n'était pas si près d'elle. C'est alors que une pluie fine se mit à tomber. Mille gouttelette ruissela sur leurs truffes. Le masque de saleté qui recouvrait la-dite Artémis se décomposa et coula lentement. Mutinerie du Clown plongea à nouveau son regard dans le sien. Il inspecta d'abord le reste de ses couleurs, et puis, il compris. Ces deux chattes disparus, abandonné par leur mère dans une grange ou un truc du genre.

« Toi ? » souffla-t-elle. « J'ai toujours sû que ta mère était détestable, mais jamais au grand jamais je n'aurais cru qu'elle puisse faire un truc pareil » se contenta le rouquin de dire.

Mutinerie du Clown resta pensif pendant un moment. Il s'était déjà attaché à cette chatte légendaire dont tout le monde parlait autrefois. Elle était si différente des autres.

« Tes maîtres vont sans doute s'inquiéter, mais je ne veux pas que tu partes » souffla le beau guerrier.

Avait-t-il vraiment dit cela ? Sans doute. Ce n'étais pas dans sa nature de garder ses émotions en dedans de lui. Il se sentit rougir légèrement sous son pelage.

Soudain , il se rappella la raison de sa venu ici : la faim. Effectivement, son ventre émettait toutes sortes de bruits sonores signifiant la faim.  Marchant tranquillement, il retourna planté ses crocs dans la chair si délicieuse du poisson argentée. Il ronronna presque. Cela calma ses brûlure d'estomacs. Malgré le délice qu'il dégustait présentement, le regard d'Artémis l'intimidait. Et pourtant, la gêne ne faisait pas parti de sa vie. À croire qu'une simple chatte peut produire ces effets.

« Toi ?  J'ai toujours su que ta mère était détestable, mais jamais au grand jamais je n'aurais cru qu'elle puisse faire un truc pareil »

Pourtant, elle l’avait fait. Elle vous avait lâchement abandonnés, toi et ta sœur. Tu te souviens de ce jour comme si c’était hier. La grange, l’odeur bâclée de foin et de chevaux ayant déjà logé ici. Les morceaux de pailles qui te rentraient dans le ventre, ta sœur qui geigne autant que son âge lui permet. Ce fut horrible, mais pourtant, on t’avait recueilli. Nourri, chéri, offert un foyer. Mais jamais tu fus rassasiée, demandant toujours plus de liberté. Tu avais besoin de t’auto-suffire, pas de paresser tout l’avant-midi.

Tu oses enfin regarder ton interlocuteur, ravie de pouvoir faire face à quelque chose de plus digne que ta cadette. Il sembla pensif quelques instants, sûrement quelques minutes à repenser à ta mère. Tu savais d’elle qu’elle avait un sale caractère, qu’elle était tout de jais, les yeux turquoises ressemblant à ceux d’un serpent, plutôt massive et savait s’en servir. Mais depuis qu’elle vous a abandonné, on dirait que son succès s’est tôt mis à se décomposer. On semblait la rejeter, plutôt que la craindre. Tant pis pour elle. Si quelqu’un pouvait se lier d’amitié avec Chant des Séraphins et son orgueil, c’était certainement Mutinerie du Clown.

« Tes maîtres vont sans doute s'inquiéter, mais je ne veux pas que tu partes »

Tu faillis t’étouffer avec ta propre bave et le dévisagea d’un air désemparé. Venait-il réellement de dire ce qu’elle avait entendu, ou était-ce elle qui hallucinait. La tête baissée du matou confirma ce qui t’avait entré par les oreilles. Si ce n’était pas qu’il rougissait sous son pelage, tu aurais pu ne pas être certaine, mais avec ça … C’est dur d’en douter ne serait-ce qu’un instant.

Il sembla se souvenir de la raison concrète de son apparition en ces lieux, se retournant lentement vers sa proie. Son ventre émettait toutes sortes de cacophonies et ne semblèrent s’apaiser que lorsqu’il eut engloutie son poisson. Déjà appuyée au sol, tu t’étais concentrée à retirer le reste de fange qui restait de ton pelage et fixait toute ton attention à le regarder. Il semblait plutôt mal à l’aise vis-à-vis le regard que tu lui portes. Voir même gêné. Ohh, le grand briseur de cœur à un chavirement pour toi ? Comme c’est chou.

« Maîtres ? Ah, eux. M’ouais, j’sors trois fois par quart de lune pour venir ici chasser, me reposer ou te regarder faire le gros dur alors que tu t’effondres souvent. Bref, simplement pour dire que personne s’en inquiète, sauf peut-être ma sœur qui se demande où s’que j’me traîne les pattes encore. Toi, y’as pas ton fan club qui t’attends ? »