Le souffle court, le pas rapide. Une lourde fourrure d'un noir de jais, un œil d'un vert émeraude, à la pupille effilée, fine à l'instar d'un reptilien. Les muscles nerveux jouant sous la peau, de larges pattes imposante. La bête noire courait au travers des arbres, soufflant violemment, grondant intérieurement. Après une nuit passée à patrouiller, l'imposant félin au pelage noir charbon était exténué. C'est d'ailleurs la raison qui l'avait poussé à aller chasser. Non pas que Paradoxe Artificiel fut animé de quelconque envies masochistes, mais la fatigue rendait ses sens plus alertes. De plus, le mâle aimait le souffle du vent contre son pelage, il aimait sentir l'adrénaline montrer dans ses veines, se faire ressentir. Bouger le rendait vivant. Se battre était pour lui une véritable jouissance, de même que la chasse. Sentir sous ses pattes le corps encore chaud de sa proie, sentir entre ses crocs se doux sang au gout amère. Seigneur, qu'il aimait être prédateur.

Bandant soudainement ses muscles, le mâle bondit au travers d'un buisson, attrapant in-extremis un maigre mulot, avide de graines en cette période de feuilles mortes. L’hiver vient, pensa intérieurement Paradoxe Artificiel. Les journées allaient se faire de plus en plus courtes, de plus en plus froides, tandis que le gibier irait s’enterrer, afin de lutter contre l'hiver, et bientôt, les chats de tous les clans crèveraient de faim.
La gueule ensanglantée, le prédateur se releva, portant entre ses crocs son fabuleux butin. La fatigue se faisait de plus en plus ressentir, assommant littéralement le mâle noir. Plissant le museau, celui-ci fit volte face et retourna au camp, afin d'y profiter d'une journée de sommeil.


« Bonjour à toi, Paradoxe Artificiel »

Ses quelques mots tirèrent Paradoxe Artificiel de ses pensées. Secouant son imposante tête pour chasser ses quelques fantômes et restes embrumés, il grommela un quelconque bonjour, avec toute l'indélicatesse dont il était capable, toujours avec sa proie ensanglantée dans la gueule.

« Hum. »

L'animal auteur de ses paroles éternua, faisant tourner la tête au guerrier. Une petite chose au pelage moucheté, petite boule de fourrure encore légèrement ébouriffée. Une femelle. Paradoxe Artificiel gronda bien malgré lui, sa mauvaise humeur reprenant le pas sur ses actes. Balançant avec désinvolture sa proie dans le tas de gibier, il s'assit là, à quelques mètres à peine de la jeune femelle, ne sachant guère ce qui l'avait poussé à faire ceci.

Pourquoi donc porter de l'importance aux autres ? Pourquoi donc se montrer courtois, plat et élégant en leur compagnie, qui s'avère parfois si irritable ? Telles étaient les questions qui trottaient dans la tête de l'imposant mâle aux poils noirs, qui secouait sa queue farouchement, laissant quelques peu deviner sa perturbation passagère. Paradoxe Artificiel ne savait guère réellement pourquoi la compagnie des autres était si irritante à ses sens. Pourquoi, personne ne lui avait jamais porté atteinte à son rang, à son honneur. Non, personne. Néanmoins, il restait bel et bien un asocial finit. Pour lui, le seul bonheur était de chasser, de se battre, de mettre fin à la vie de sa proie. Cela, était digne de vivre, digne d'un guerrier.

« Un plaisir de vous voir. »

Paradoxe Artificiel hocha de la tête mollement, les muscles encore engourdis. Il n'écoutait le monde que d'une seule oreille, les sens trempant déjà dans les vapes. Un grondement monta tout au fond de lui, se maudissant sa faiblesse face à la fatigue prenante. L'imposant mâle noir rabattit les oreilles en arrière et ébroua son corps tout entier, afin, d'un tant soit peu, s'éveiller. Il jeta un rapide coup d’œil à la femelle à coté de lui. Quelque chose lui disait qu'elle ne l'aimait pas. Bah, pourquoi pas. Peu de monde l'aimait, l’appréciait. Il n'était reconnu que pour sa force, et son habileté au combat et à la chasse. Rien d'autre.

Paradoxe Artificiel savait très bien qu'il était d'une exécrable, que dis-je, d'une insupportable présence, ne faisant, en outre, aucun cadeau à ses congénères félidés. Le guerrier noir leur apportait nourriture et protection, et, en retour, attendait d'avoir une paix éternelle, sans que l'on vienne l'importuner.

« Moi de même. »

Néanmoins, quelques distractions, de temps en temps, ne lui faisait aucun mal, au contraire.