Il neige. Un tout petit flocon, minuscule particule d'eau glacée, venait de tomber du ciel gris. D'autres le suivirent. Bientôt, ce fut tout une flopée de petites boules blanches qui voletaient dans l'air et allaient se déposer sur le sol. Rapidement, ce dernier fut recouvert par un fin manteau immaculé. C'est joli l'hiver. Tout le paysage se vêtit d'une belle couleur ivoire, les lacs et les rivières gèlent. Toute la nature semble endormie ou absente. Seul le calme et le silence ont le pouvoir sur ce royaume blanchâtre. Oui, c'est une saison qui est agréable à regarder. Mais c'est tout. La période froide n'apporte aucun autre bénéfice : les proies se font rares, la température chute et nous glace les membres, les anciens se meurent, les maladies s'attaquent aux plus faibles. C'est un moment dur à passer et tout les ans, il faut y survivre. Toutes les douze lunes, cela recommence. Encore et encore. Il est certain que cela durera toujours.

Un flocon, léger et froid, me tomba sur le nez. Je secouai la tête pour le faire tomber, surprise. Avec l'arrivée de l'hiver, mon pelage, déjà bien touffu, s'était encore épaissi. Je ne m'en plaignais pas, au moins, avec tout ses poils sur mon corps, je n'étais pas sensible au froid. La deuxième rivière, qui s'écoulait doucement près de moi, n'était pas encore gelée. Je l'entendais clapoter. Ce son si doux et empli de calme m’apaisait au plus haut point. J'étais venu voir si tout allait bien à la frontière. A pas lents, je m’avançai jusqu'à la limite qui séparait mon clan de celui de la Rivière et laissait mon odorat faire le reste. Des guerriers étrangers étaient passés à proximité, mais personne ne semblait avoir traversé. Tant mieux. Ainsi, je pouvais mieux réfléchir à quelle serait ma réaction si il y avait une intrusion sur mes territoires. Ce n'est pas facile d'être chef, et cela l'est encore moins quand on débute. J'espérais de tout cœur réussir à guider les miens sur le chemin sablonneux de la vie. J'en étais capable. On m'avait choisi pour cela. Choisie, désignée, appelée à cette tâche. C'était mon rôle et mon destin, ma fatalité et ma fin. Les neuf vies, caractéristiques des meneurs, tambourinaient dans mon cœur et j'étais presque capable de sentir le flux d'existence de chacune d'elles. Il faut vous méfier de ce cadeau empoisonné que vous fait le clan des Étoiles, car il vous change à jamais.

Un bruissement me tira de mes pensées. Je tournai la tête. Cela ne venait pas des territoires du Tonnerre. C'était sûrement quelqu'un de mon clan. Cette idée me décrispa et radoucit ma posture. Bien sur que je me méfiais des étrangers, que je répugnais à donner ma confiance, que j'avais peur parfois, mais face aux miens, je devais cacher toute cette crainte qui m'habitait, et leur montrer un masque de sûreté et de confiance.